Les usagers du canal
Pendant leurs voyages, les mariniers (également surnommés les « chi dans l’eau ») rencontrent les « gens d’à terre », notamment d’autres travailleurs du canal : éclusiers et éclusières, débardeurs, cantonniers, etc. Du lever au coucher du soleil, l’éclusier et son épouse se chargent du passage des bateaux aux écluses et vérifient le niveau d’eau dans les biefs. Pendant leurs haltes dans les ports, les marchandises transportées par les mariniers sont déchargées par les débardeurs. Les cantonniers, quant à eux, entretiennent le canal et s’occupent des travaux de réparation. Certains d’entre eux ont aussi le rôle de gardes du canal.
Les gardes du canal ont pour mission d'assurer l'exécution de toutes les lois et des règlements rendus et à intervenir sur la police de la navigation : « ils [veillent] à la conservation des digues, plantations, perrés, dérivations, réservoirs, rigoles et autres ouvrages qui en dépendent ». Ils portent une veste bleue avec un collet et une bandoulière cramoisis. Sur cette dernière se trouve une plaque de métal ornée d'une fleur de lys.
La construction de cette voie d’eau a permis le développement de certains commerces dans lesquels se rendent les mariniers. Ils s’adressent ainsi aux boureliers, cordiers et forgerons pour l’entretien de leur matériel, mais aussi aux maréchaux-ferrants et vendeurs de foin et de paille pour soigner et alimenter leurs animaux. Pour subvenir à leurs besoins au quotidien, ils se déplacent jusque dans les boulangeries, épiceries et boutiques de vendeurs de vêtements qu’ils longent sur leur chemin.
Les mariniers rentrent également en contact avec les habitants des villes qu’ils traversent, comme les lavandières qui amènent leur linge aux lavoirs situés le long du canal. Le dimanche, des concours de pêche sont organisés et les bateaux berrichons accueillent des voyageurs fortunés pour des promenades sur l’eau qui se concluent par des banquets. Les barques des cantonniers sont aussi utilisées les 14 juillet pour organiser des joutes nautiques, lesquelles sont accompagnées de courses de canards et de tonneaux.
Véritable lieu de rencontres (mais aussi de conflits), le canal permet ainsi aux différents usagers de se retrouver.
Des canards perchés ?
Le matin du 20 mars 1936, Pierre Petot, minotier résidant à Mehun-sur-Yèvre, découvre que ses deux paons sont sortis de sa propriété. Il part à leur recherche et apprend qu’ils ont été aperçus sur les platanes au bord du canal. Le lendemain, Eugénie Thiault, éclusière à l’écluse de Reussy, lui indique que ses animaux ont été abattus au fusil le jour précédent par Henri Lagrange, un marinier de passage. Ce dernier est retrouvé par les gendarmes. Il leur indique qu’il pensait avoir tiré sur des canards sauvages ou des oiseaux de passage avant de se rendre compte de son erreur en allant ramasser les bêtes. On peut noter le commentaire amusé rajouté au crayon à papier en bas de la page gauche du document, ironisant sur la prétendue méprise du marinier (« Des canards perchés ! »). Finalement, ce conflit est réglé à l’amiable, le marinier ayant accepté de dédommager le minotier de 500 francs et lui ayant rapporté les cadavres de ses animaux. Le tribunal correctionnel de Bourges relaxe donc Henri Lagrange du délit de chasse et le condamne à 29 francs d’amende avec sursis pour vol le 23 avril 1936.