Le déclassement du canal
En conséquence de son déclin, le déclassement du canal de Berry est décidé par le décret du 3 janvier 1955 qui a notamment été signé par François Mitterrand, ministre de l’Intérieur et arrière-petit-fils d’un éclusier du canal. Ce décret, qui devient effectif au 1er février de la même année, divise largement l’opinion publique. La Commission des Moyens de Communication rédige alors un rapport en 1957 afin d’obtenir le reclassement du canal et l’élargissement de ses branches sud et est aux dimensions des canaux de type Freycinet. Cet élargissement du canal était d’ailleurs promis depuis 1879. Cependant, les diverses tentatives pour empêcher l’arrêt total de la circulation sur le canal s’avèrent infructueuses.
À gauche : Proposition de résolution présentée en 1952 devant l’Assemblée nationale par les membres du groupe communiste tendant à inviter le Gouvernement à ne pas procéder au déclassement de la deuxième branche du canal de Berry (de Fontblisse à Noyers) et à faire exécuter les travaux de réfection pour une reprise rapide du trafic par eau (AD du Cher, 65 J 28).
À droite : Liste d’arguments contre le déclassement réalisée par Monsieur René Menard, président de la Fédération départementale des Associations de Pêche et de Pisciculture du Cher, dans le cadre de l’enquête d’utilité publique ouverte sur le projet de déclassement du canal, fin 1953 (AD du Cher, 65 J 28).
Les mariniers abandonnent donc ses eaux pour rejoindre les autres voies de navigation du pays ou se reconvertissent dans des professions exercées par les « gens d’à terre ». Les cantonniers sont intégrés au service des Ponts-et-Chaussées et les éclusières auxiliaires sont licenciées ou mutées aux quatre coins de la France. Beaucoup de bateaux berrichons, inadaptés pour circuler sur les autres canaux du fait de leur tonnage réduit et de la concurrence des bateaux à moteur, sont abandonnés dans les ports ou déchirés. D’autres encore sont réutilisés pour servir de logements de fortune aux habitants les plus modestes des villes qui longent le canal. Le matériel qui permettait d’assurer la navigation est quant à lui réemployé sur d’autres voies d’eau françaises.
Alors que d’autres canaux déclassés à la même époque, comme le canal d’Orléans, restent propriétés de l’État, ce dernier ne considère plus le canal de Berry comme une source de rentabilité. Par conséquent, il est aliéné aux municipalités du Cher, désignées comme prioritaires pour racheter pour un franc symbolique du mètre linéaire les sections du canal qui se trouvent sur leurs territoires ainsi que les maisons éclusières. Finalement, ces dernières deviennent majoritairement des habitations pour les employés du service des Ponts-et-Chaussées ou sont envisagées pour loger les rapatriés civils français d’Indochine.
L’entretien de ces portions représente un coût non-négligeable à assumer pour les différents conseils municipaux qui deviennent propriétaires de celles-ci. Le futur du canal est alors compromis, la préservation de ce patrimoine dépendant des capacités financières des communes et de leur attachement pour son histoire, menacée de disparaître.
Navigable dès 1841, le canal privé Saint-Louis a été creusé à l’initiative de la Société des usines métallurgiques de Torteron pour relier des hauts fourneaux au canal de Berry. Le pont-canal en pierre et en fonte de cet embranchement, construit vers 1839 au-dessus de la rivière de l’Aubois, a aujourd’hui disparu du paysage. La lettre conservée aux archives nous apprend qu’il était déjà très largement démoli en septembre 1959.