Avant le canal
La navigation intérieure dans le Berry (XVe-XVIIIe siècles)
La construction du canal de Berry s’inscrit dans une dynamique de territoire centrée sur la question de la navigation intérieure dès la fin du XVe siècle. L’économie dans le Berry est alors florissante et la province s’affirme comme une puissance sur le plan politique. Sa localisation au centre de la France présente un intérêt stratégique certain : elle pourrait permettre au Berry d’être directement relié à la Loire et à la Seine, les deux grands axes commerciaux du pays. Ainsi, dans le but d’assurer l’efficacité des échanges commerciaux et le développement de l’industrie, de grands projets de navigation intérieure vont se succéder jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Dans ce contexte, les États Généraux de Tours valident en 1484 la proposition d’aménager et d’ouvrir à la navigation l’Yèvre et l’Auron. Dès lors, ces voies d’eau relient le Cher et l’Allier et permettent le transport de marchandises locales et en provenance des territoires voisins. Un projet d’aménagement du Cher entre Tours et Montluçon est également approuvé et, semble-t-il, réalisé au XVIe siècle.
Règlement d’un litige opposant Pierre Daguyneau, marchand voiturier par eau naviguant sur les rivières d’Auron, d’Yèvre et du Cher au maire de Bourges et aux échevins de la ville et commissaires députés pour la navigation. Minute d’André Depardieu, notaire à Bourges, 1565-1566. AD du Cher, E 2225, folio 24.
« […] afin d'entretenir la navigation desdictes rivieres et les rendre frequantées, ledict Daguyneau seroict tenu, pandant et durant deux années, a les commancer du premier jour de janvier ensuyvant, amener de six sepmaines en six sepmaines deux bapteaux chargez et fourniz de marchandise bonne et loyalle, soict de bled, vins, ardoise, tuille, pierre ou aultre marchandise, de pesanteur chascun bapteau de douze, vingt, trente et jusques a cinquante milliers, ou aultre plus grand pesanteur selon la saison que lesdictes rivieres le pourront porter depuis ladicte ville de Selles-en-Berry jusques au port de la Chappe de cestedicte ville […] ».
À partir de la fin du XVIIe siècle, la situation financière instable du Berry entraîne un abandon progressif de ses différentes voies d’eau.
Afin de remédier à la sous-exploitation des ressources, plusieurs nouveaux projets de travaux permettant de connecter la haute et la basse Loire sont lancés à partir de la fin du XVIIIe siècle. Leur réalisation était conditionnée à l’utilisation maximisée des cours d’eau naturels. L’intervention de l’Homme n’aurait alors été que partielle, permettant simplement le raccordement de ces voies d’eau entre elles. Parmi ces projets, on retrouve ceux du baron de Marivetz (début des années 1770), du duc de Béthune-Charost (1780) ou encore de Nicolas de Fer de la Nouerre (1784). Du fait d’un manque de financements, aucun de ces projets ne verra finalement le jour.
En 1794, l’Yèvre est remise en état pour la navigation mais cette nouvelle fréquentation de la rivière ne sera que temporaire.
Correspondance d’affaires entre M. Trottignon et M. Claude Julien dans laquelle ce dernier indique accepter de prêter à M. le comte de Béthune-Chârost 250 000 livres jusqu’à concurrence de 2 millions de livres pour son entreprise du canal du Berry, 12 août 1783 (AD du Cher, E 1023).
Les meuniers des bords du Cher ont construit des barrages pour bénéficier d'une force hydraulique plus importante. Ces ouvrages avaient pour avantage de permettre aux mariniers de transporter des charges plus importantes, du fait de l'augmentation de la profondeur de la rivière canalisée. Les « pertuis », ancêtres des écluses, servaient à traverser ces
barrages. Selon les directions suivies par les bateaux, ces derniers étaient entraînés par le courant à travers les « pertuis » ou devaient être tirés à contre-courant.