Les dispenses d’empêchement de mariage

et principalement de consanguinité

Les Archives départementales du Cher ont entamé une campagne de numérisation des dispenses d'empêchement de mariage. Les images ne sont pas encore disponibles sur le site et les documents cotés 2 G 57 à 2 G 180 sont indisponibles actuellement.

1. Définition

Une dispense d’empêchement de mariage, également appelée dispense pour mariage ou matrimoniale, est une autorisation délivrée par le pape ou l’évêque (l’archevêque pour le diocèse de Bourges) permettant l’union entre deux individus qui, selon le droit canonique, ne peuvent pas se marier pour l’un des empêchements suivants.

  • Les empêchements prohibitifs correspondent à une interdiction de mariage. Toutefois, si une union est contractée malgré l’empêchement elle n’est pas considérée comme nulle. Les empêchements prohibitifs sont peu nombreux :
    • Promesse de mariage à une autre personne
    • Vœu simple de chasteté, d’entrer en religion ou de ne jamais se marier
  • Les empêchements dirimants, en revanche, rendent nul tout mariage contracté. Ils sont de diverses natures (crimes et rapt, condition servile, vœu de profession solennelle, clandestinité et concubinage, mariage sous la contrainte, mariage précédent non-nul ou non-dissolu, inaptitude à concevoir, etc.). Les principaux sont les suivants :
    • L’âge : l’union est interdite aux hommes ayant moins de quatorze ans et aux femmes ayant moins de douze ans.
    • La mixité religieuse ou disparité de culte : l’union entre deux personnes ne pratiquant pas le même culte est interdite (en raison du risque de perversion).
    • La parenté spirituelle : l’union entre des individus unis par le lien du baptême est interdite (lien entre le baptisé et son parrain/sa marraine).
    • La parenté naturelle ou consanguinité : l’union entre parents est interdite par le droit canon de l’Église catholique. La demande de dispense n’est pas adressée au même dignitaire en fonction du degré de consanguinité.

2. Le cas de la dispense de consanguinité

La parenté naturelle ou consanguinité est l’empêchement invoqué largement majoritaire.

La demande de dispense de consanguinité est formulée par les parents souhaitant se marier. Les raisons de ces unions sont diverses. Deux cousins peuvent s’unir pour conserver le patrimoine matériel, pour rétablir la paix et la concorde au sein de la famille, ou pour garantir l’éducation d’enfants en bas âge issus d’un premier mariage. Une dispense peut aussi être demandée par une suppliante trop âgée pour trouver un époux convenable, en raison d’une dot trop faible ou pour réparer l’honneur de la future épouse dans le cas d’une conduite scandaleuse (par exemple, le concubinage).

Le pape (Saint-Siège) peut autoriser le mariage entre cousins au 2e degré et l’évêque (ou archevêque) entre cousins au 3e degré et au-delà.

  • Quels sont les degrés canoniques ?

Le degré de parenté varie du droit civil au droit canon.

Droit canonique : pour déterminer un degré de parenté en droit canon, il faut regarder le nombre de générations qui séparent les deux individus de leur ancêtre commun.

Par exemple, si l’on veut calculer le degré canonique de parenté entre Marie et Armand il faut regarder le nombre de générations qui les sépare de Jean. Ils font partie de la 2e génération à la suite de Jean. Donc le degré canonique entre Marie et Armand est de 2.

Droit civil : pour déterminer un degré de parenté entre deux individus conformément au droit civil, il faut partir du premier individu concerné, remonter l’arbre généalogique jusqu’au parent commun puis redescendre jusqu’au deuxième individu.

Par exemple, on compte 2 branches entre Pierre et Amélie qui sont cousins au 2e degré et 4 branches entre Marie et Armand, cousins au 4e degré.

Précisons que seules les dispenses canoniques sont ici exposées et qu’il existe des dispenses au mariage civil depuis les années 1790.

Le mariage civil

Le mariage civil est instauré par le décret des 20 au 25 septembre 1792. Un bureau de la correspondance est créé en même temps que le ministère de la Justice en 1791. Les dispenses de mariage civil dépendent de la division des affaires civiles du ministère de la Justice, et plus particulièrement du bureau des grâces.

Depuis l’an XI du calendrier républicain (correspondant aux années 1802-1803 du calendrier grégorien), les dispenses pour mariage civil sont accordées par le pouvoir exécutif. L’objet de ces dernières correspond à des questions d’âge (moins de 15 ans pour les filles et moins de 18 ans pour les garçons) et de parenté (2e et 3e degré). À partir de l’an XI, les dispenses sont déposées auprès de la division civile dont les fonctions se sont élargies par l’obtention de certaines compétences du bureau des grâces (avant sa suppression en 1809).

Sous la Restauration, les dispenses pour mariage sont toujours déposées auprès des affaires civiles du ministère de la Justice. Toutefois, elles doivent être accompagnées d’un acte scellé délivré par la Commission du sceau.

Ces dispenses pour mariage civile sont conservées aux Archives nationales dans les sous-séries BB 15 et BB 11.

  • Histoire de la dispense de consanguinité (canonique)

Depuis le Concile de Latran IV de 1215, le mariage est autorisé entre parents jusqu’au 4e degré canonique (auparavant, le mariage était interdit jusqu’au 7e degré).

L’objectif de l’Église est de lutter contre les mariages entre proches parents et, par conséquent, de ralentir l’endogamie en particulier dans les paroisses isolées.

Jusqu’au Concile de Trente de 1513, le pape était le seul membre de l’Eglise catholique à pouvoir accorder une dispense. Après cette date, l’autorisation de dispenses d’empêchement de mariage est donnée aux évêques et archevêques (l’officialité).

Les demandes de dispense sont adressées au diocèse de Bourges dont le territoire correspond au département du Cher, de l’Indre ainsi qu’à une partie de l’Allier.

Carte du diocèse de Bourges depuis le XIIIe siècle d’après les « fouilles du diocèse de Bourges » éditée par de Font-Réaulx en 1955. AD du Cher, 2 Fi 227.
Carte du diocèse de Bourges depuis le XIIIe siècle d’après les « fouilles du diocèse de Bourges » éditée par de Font-Réaulx en 1955. AD du Cher, 2 Fi 227.

3. Rechercher une dispense de mariage

  • Quel intérêt pour la généalogie ?

Les dispenses d’empêchement de mariage permettent de combler des lacunes dans l’histoire familiale. Elles mentionnent l’identité des demandeurs, le degré de parenté entre les époux (dans le cas de la consanguinité) et les motivations du couple à se marier. Les dispenses de consanguinité permettent de trouver des générations supplémentaires et d’enrichir les arbres généalogiques. À cela s’ajoute une enquête menée par la paroisse, riche de témoignages qui permettent de saisir les enjeux liés au mariage.

  • Où trouver les dispenses d’empêchement de mariage aux Archives départementales du Cher ?

Avant la Révolution française

Les dispenses d’empêchement datées d’avant la Révolution française sont conservées dans la sous-série 2 G qui correspond aux documents du secrétariat de l’archevêché, de l’officialité et du bureau ecclésiastique 

- 2 G 270 à 2 G 287 : les fulminations de bulles de dispense de consanguinité ou d’affinité de 1643 à 1790. Une fulmination renvoie à l’entérinement d’une bulle papale par l’évêque ou l’archevêque dans le cas d’un recours à l’autorisation papale pour une dispense de consanguinité de 2e degré. Il s’agit de la publication d’une décision canonique. Le terme fulmination se retrouve aussi pour désigner une sentence ou une condamnation papale.

- La dispense de bans permet aux mariés de s’affranchir de la publication de bans qui doivent rendre public le mariage.

- La dispense de temps prohibé autorise le mariage pendant le temps de l’avent ou du carême.

- La dispense de non-diocèse autorise le mariage entre deux individus qui n’appartiennent pas au diocèse mais qui veulent s’y marier.

- 2 G 270 à 2 G 287 : les fulminations de bulles de dispense de consanguinité ou d’affinité de 1643 à 1790. Une fulmination renvoie à l’entérinement d’une bulle papale par l’évêque ou l’archevêque dans le cas d’un recours à l’autorisation papale pour une dispense de consanguinité de 2e degré. Il s’agit de la publication d’une décision canonique. Le terme fulmination se retrouve aussi pour désigner une sentence ou une condamnation papale.

Après la Révolution française

V dépôt 481 (archives de l’Archevêché) : les registres de demandes de dispenses d’empêchement de mariage effectuées entre 1877 et 1909.

Extrait du registre de dispenses matrimoniales de l’officialité du diocèse de Bourges de 1909. AD du Cher, V dépôt 481.
Extrait du registre de dispenses matrimoniales de l’officialité du diocèse de Bourges de 1909. AD du Cher, V dépôt 481.
Des travaux généalogiques pour le Cher

Dans la série 64 J qui contient des travaux généalogiques, certains documents traitent précisément des dispenses d'empêchement de mariage. Ils peuvent être des outils utiles dans le cadre d'une recherche sur le sujet.

  • 64 J 12/1 à 7 : les dépouillements de dispenses d’empêchements de mariage, de bans, de temps prohibé, de non diocèses, réhabilitations de mariages, absolutions, d’excommunication, permissions de mariage, attestation de catholicité et de pauvreté pour se pourvoir en Cour de Rome entre 1643 et 1790. L’étude suit l’ordre chronologique des dispenses autant que des fulminations.
  • 64 J 117 : les recherches sur les dispenses de consanguinité de la région de Sancerre de 1676 à 1739 de Gérard Raffaitin datées de 1999.
  • 64 J 119 : les recherches sur les dispenses de consanguinité des paroisses de Sury-en-Vaux et Verdigny entre 1649 et 1792 de Patrice Bizet datées de 2006.

Des dépouillements réalisés par les associations de généalogie du Cher et du Berry sont disponibles et rassemblés sur la plateforme Racines en Berry.

  • Comment trouver les informations au sein des documents ?

- Une lettre appelée « supplique » est envoyée au pape, à l’évêque ou à l’archevêque par les personnes souhaitant se marier afin d’obtenir une dispense d’empêchement. Cette lettre contient des informations biographiques sur les individus (nom, prénom, âge, lieu de vie) et la raison de la demande. Les individus souhaitant se marier sont appelés les « suppliants », « suppliquants » ou « supplicants ».

- La demande est suivie d’une enquête qui peut mobiliser plusieurs témoignages écrits. Ces derniers sont signés par les témoins. L’enquête est ouverte par l’évêque, l’archevêque ou l’un de leurs représentants. Dans le cas de la consanguinité, l’enquête vise à établir une généalogie pour confirmer le degré de parenté.

- L’enquête doit conduire à la promulgation de la dispense d’empêchement de mariage.

Attention, le dossier peut être plus ou moins complet en fonction de ce qui est parvenu aux archives. Par exemple, certains ne contiennent que la supplique.

Étude de cas : le mariage de François Louis de Rochefort et Catherine Françoise Lebel de la Voreille, de la supplique à la dispense (AD du Cher, 2 G 287, dossier 1782))

La supplique est adressée en mai 1782 par François Louis de Rochefort, âgé de vingt ans, et Catherine Françoise Lebel de la Voreille, âgée de dix-huit ans, habitants de la paroisse de Lury, à l’archevêché de Bourges. Parents au deuxième degré de consanguinité, les suppliants mentionnent la dispense envoyée au Saint-Siège : 

« Supplient humblement François Louis de Rochefort et Catherine Françoise Lebel de la Voreille, pauvres habitans de la paroisse de Lury en ce diocèse. Disant qu’il a plû à sa sainteté leur accorder un bref d’absolution et de dispense de l’empechement du second degré de consanguinité qui est entre eux ; donné à Vienne en Autriche (...) ».

Supplique de dispense matrimoniale pour l’archevêché du diocèse de Bourges (AD du Cher, 2 G 287, dossier 1782).
Supplique de dispense matrimoniale pour l’archevêché du diocèse de Bourges (AD du Cher, 2 G 287, dossier 1782).

Le vice official écrit à la suite de la supplique qu’il accédera à la requête après réception d’un certificat du curé de la paroisse des suppliants, soit la paroisse de Vierzon, qui attestera de la séparation « de demeure et d’habitation » des deux futurs époux.

L’Officialité demande aux futurs époux vivant en concubinage de se séparer afin d’autoriser le mariage. Selon le droit canonique, un couple ne peut pas vivre en concubinage sans être marié. Le concubinage constitue une faute grave d'honnêteté publique et un empêchement au mariage qui nécessite l’absolution de l’Église. Cette étude de cas met en évidence deux empêchements pour une même union : la consanguinité et l’honnêteté publique. L'enquête doit donc établir si le concubinage n'est pas utilisé par les deux parents pour accélérer la procédure de dispense de consanguinité.

Le dossier de François Louis de Rochefort et Catherine Françoise Lebel de la Voreille présente ce certificat signé par l’archiprêtre curé de Vierzon :

« Je soussignée, licencié en théologie, archiprêtre, curé de Vierzon, certifie à Monsieur le vice official de l’archevêché et diocèse de Bourges que Mr François Louis de Rochefort demeure maintenant et depuis deux mois dans ma paroisse et que Mlle Catherine Françoise Lebel de la Voreille demeure depuis le vingt du présent mois au Chateau d’Autry, paroisse de Mereau en ce Diocèse ; en foi de quoi j’ai signé à Vierzon le trente mai mil sept cent quatre-vingt deux ».

Certificat de l’archiprêtre curé de Vierzon (AD du Cher, 2 G 287, dossier 1782)
Certificat de l’archiprêtre curé de Vierzon (AD du Cher, 2 G 287, dossier 1782)

L’enquête est menée par le promoteur de l’archevêché qui est missionné par l’officialité. Le promoteur est le procureur d’Office dans une juridiction ecclésiastique. Il est accompagné d’un greffier qui prend en note les témoignages. Les personnes auditionnées doivent prêter serment avant de témoigner.

Cette enquête présente deux témoignages et la comparution des futurs époux qui garantissent ne pas avoir été contraints, ni avoir subis de violence. Ils jurent ne pas avoir utilisé le concubinage comme moyen d’obtenir plus facilement une dispense. L’enquête mentionne la généalogie des suppliants :

  • François Louis de Rochefort, fils de Gabriel Jean Dominique de Rochefort, lieutenant des maréchaux de France, et de Marie Anne de Sarrasin Laval, demeurants à Lury.
  • Catherine Françoise de la Voreille, fille de Claude Le Bel de la Voreille et de Anne Marie Louise de Sarrasin Laval, demeurant à Mazirat demeurants à Lury.

Marie Anne de Sarrasin Laval, mère de François Louis de Rochefort, est la sœur de Anne Marie Louise de Sarrasin Laval, mère de Catherine Françoise Le Bel de la Voreille. Les suppliants sont cousins germains (2e degré canonique) par la branche maternelle et ont pour ancêtre commun, leur grand-père, Henry Marieu de Sarrasin Laval.

Les deux témoins confirment la généalogie familiale et indiquent que si le mariage n’est pas autorisé la suppliante subira un fort préjudice puisqu’elle ne pourra pas trouver un autre époux en raison du concubinage précédent :

« Messire Charles Antoine de Bonnault, ecuier, seigneur de Mery, premier temoin a nous produit, seul et separement et separement, après le serment de lui pris au cas requis, a dit avoir nom Charles Antoine de Bonnault, ecuier, seigneur de Mery, demeurant en ladite paroisse de Mery en ce diocèse, agé de soixante deux ans, lecture a lui faite dudit bref et de ladite requête, a déclaré bien connaitre les supplians desquels il n’est ni parent ni allié et, sur les faits qui y sont exposés, depose bien savoir que lesdits Francois Louis de Rochefort et Catherine Françoise Le Bel de la Voreille sont parens au second degré de consanguinité provenant de ce que Henry Marieu de Sarrasin Laval, souche commune, etoit pere de (...) ».

Enquête pour l’obtention d’une dispense matrimoniale (AD du Cher, 2 G 287, dossier 1782).
Enquête pour l’obtention d’une dispense matrimoniale (AD du Cher, 2 G 287, dossier 1782).

La dispense d’empêchement de mariage peut être inscrite à la fin de la supplique, comme c’est le cas de celle donnée par le promoteur. Après l’analyse des preuves, la dispense est donnée aux suppliants François Louis de Rochefort et Catherine Françoise Lebel de la Voreille par l’Officialité de Bourges le 7 juin 1782. Toutefois, les suppliants ne sont pas exemptés de faire pénitence pour absoudre leurs péchés :

« qu’ils soient dispensés de l’empêchement du second degré de consanguinité qui est entre eux, qu’ils contractent et solemnisent leur mariage en face d’Eglise pour y vivre et demeurer librement et licitement (…) cependant requiert que les supliants seront tenus de réciter pendant deux mois, fetes et dimanches, les sept pseaumes de la penitence dans leur eglise paroissiale avant ou après la grande messe, et qu’ils soient renvoyés par devant le sieur curé de leur paroisse pour recevoir l’absolution au for intérieur, lequel sera tenu de leur imposer une autre penitence salutaire, outre cellecy dessus ».

Dispense clôturant la supplique (AD du Cher, 2 G 287, dossier 1782).
Dispense clôturant la supplique (AD du Cher, 2 G 287, dossier 1782).
  • Qu’en est-il des autres religions ?

Le mariage protestant est soumis aux mêmes interdits que le mariage catholique mais les dispenses sont délivrées par le Consistoire. La dispense existe aussi dans les autres religions monothéistes. Pour l’islam, l’équivalent est la rukhşa et pour le judaïsme, il s’agit de l’heter.

4. Brève bibliographie 

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