Travailleurs volontaires en Allemagne

Travailleurs volontaires en Allemagne

Phénomène qui reste peu connu, le départ de travailleurs volontaires pour l'Allemagne, s'il est moins important que celui des requis du STO (650 000), est toutefois non négligeable (250 000).

En effet, parallèlement au pillage des diverses ressources de la France occupée (matières premières, biens manufacturés, ravitaillement,...), l'Allemagne nazie entend bien aussi tirer parti de la force de travail de sa population. D'autant que la guerre se prolongeant, ses besoins en main-d'oeuvre se font de plus en plus importants. L'appel aux volontaires est la première forme que prend la demande allemande en ce domaine. Le travailleur peut se présenter dans les bureaux de placement allemand pour souscrire un contrat d'embauche. A Bourges, ce bureau se situe place Planchat.

Comme pour les différents types de collaboration déjà évoqués, les Français et Françaises qui partent volontairement travailler en Allemagne le font pour différents motifs. Celui d'ordre économique semble être le plus important. Le chômage est massif en France, trouver un emploi pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille est donc difficile. Le travail en Allemagne est alors une chance à saisir, d'autant que l'on vante le niveau des salaires et tous les avantages liés. Mais la motivation idéologique, une peine de cœur, des ennuis familiaux ou le besoin de voir du pays peuvent tout autant inciter au départ !

La proportion des femmes dans ces départs vers l'Allemagne semble assez importante. Mais à ce jour, sur ce sujet comme sur bien d'autres, il manque d'une étude fine et exhaustive de ce phénomène au niveau départemental afin de cerner précisément les motivations de ces départs vers l'Allemagne ainsi que le profil sociologique de ces travailleurs.

Le motif d'accusation est "d'avoir commis le crime d'indignité national en apportant sciemment, par son travail volontaire en Allemagne, une aide directe ou indirecte à cette puissance ou à ses alliés". Les accusés comparaissent en chambre civique, sauf si d'autres faits plus graves leur sont reprochés. En général, ils sont déclarés en état d'indignité nationale et subissent une peine de dégradation nationale dont la durée varie selon les cas. Certains bénéficient de circonstances atténuantes et sont acquittés. Une part importante des dossiers des chambres civiques est constituée par des affaires concernant le travail volontaire en Allemagne.

"J'étais obligé de faire vivre ma femme et mes deux enfants" (3 W 235)
"J'étais obligé de faire vivre ma femme et mes deux enfants" (3 W 235)

Voici un cas parmi tant d'autres d'une personne obligée d'aller travailler en Allemagne pour faire vivre sa famille. Poussé par le chômage, de peu d'éducation, sa femme étant de plus gravement malade lors du procès, Amable MELLET est acquitté par la chambre civique.

L'usine en Allemagne comme échappatoire à un conflit familial (3 W 233)
L'usine en Allemagne comme échappatoire à un conflit familial (3 W 233)

Son jeune âge et les circonstances de son départ font que Simone est acquittée par la Chambre civique du Cher.

Contrats de travail (3 W 235, 307)
Contrats de travail (3 W 235, 307)
Témoignage d'un requis du STO en faveur de Lucien DURAND (3 W 235)
Témoignage d'un requis du STO en faveur de Lucien DURAND (3 W 235)

Lucien DURAND est envoyé à Linz, dans une usine fabriquant des chars de combat. Lui aussi est parti en Allemagne sur un coup de tête pour fuir sa femme et sa belle-mère !

Lucien DURAND est condamné à 20 ans de dégradation nationale.

"j'étais saoul j'ai dit que oui" (3 W 235)
"j'étais saoul j'ai dit que oui" (3 W 235)

Le penchant pour la bouteille de ce domestique de ferme est confirmé par les témoignages recueillis. Accusé d'avoir dénoncé des jeunes gens voulant franchir la ligne de démarcation, ce chef d'inculpation n'est finalement pas retenu contre lui. Son dossier initialement traité par la cour de justice est alors transféré à la chambre civique.

Gaston PICHON est condamné à 20 ans de dégradation nationale.

De l'usine allemande à l'Armée rouge ( 3 W 236)
De l'usine allemande à l'Armée rouge ( 3 W 236)

Légende inscrite au dos de la photo : "PINAULT Maurice x au milieu de femmes soldats russes à Briansk (Russie). Le susnommé était affecté à une pièce de DCA".

Voila un parcours étonnant que celui de ce chaudronnier, s'il s'avère véridique. D'abord, il part deux fois en Allemagne comme travailleur volontaire, six mois en 1941-1942 et dix mois en 1942-1943, car sa femme le trompe. Revenu en France et embauché depuis peu, il est requis pour le STO et part de nouveau pour l'Allemagne en mars 1943. Un boulanger de Blancafort, requis lui aussi, déclare aux gendarmes qui l'interrogent après-guerre que Maurice PINAULT n'a jamais eu des sentiments pro-allemands et s'occupe plutôt des femmes que de la politique. Ce que semble confirmer cette photo où Maurice est bien entouré.

Début août 1944, alors qu'il se trouve aux environs de Lodz (Pologne), il s'enfuit et gagne les lignes soviétiques. Après plusieurs interrogatoires, il aurait alors été affecté comme auxiliaire dans un poste de défense anti-aérienne aux environs de Briansk jusqu'à la fin des hostilités. Il est ensuite rapatrié en France.

Jugé par la chambre civique de Bourges le 26 septembre 1945, il est condamné à 20 ans de dégradation nationale. Le beau récit de son aventure soviétique n'a pas réussi à adoucir sa peine.

Attestation d'embauche et de départ (3 W 347)
Attestation d'embauche et de départ (3 W 347)
Carte de travail (3 W 136)
Carte de travail (3 W 136)
Titre de permission (3 W 251)
Titre de permission (3 W 251)
Fausse déclaration (3 W 235)
Fausse déclaration (3 W 235)

En 1945, dans le flot des prisonniers de guerre, déportés et requis du STO qui sont rapatriés en France, se mêlent les travailleurs volontaires ainsi que les miliciens et leurs familles qui s'étaient repliés en Allemagne en compagnie d'autres collaborateurs compromis avec les Allemands. Ces deux cartes de rapatriés sont celles de travailleurs volontaires, mais l'homme a tenté de se faire passer pour un requis civil. Sa maîtresse a été plus honnête (ou plus ingénue...) et a déclaré sa qualité de volontaire.

Assignées à résidence (1 W 684)
Assignées à résidence (1 W 684)

Quand le travail en Allemagne est la seule charge qui pèse sur les accusés, ceux-ci ne sont pas emprisonnés mais simplement assignés à résidence. Ces trois personnes sont jugées par la chambre civique du Cher. Jeanne PROST est condamnée 10 ans de dégradation nationale, Jeanne AUDUC à 20 ans et Léone SAGET à 5 ans.

Tract de l'Office de Placement Allemand de Nevers (3 W 207)
Tract de l'Office de Placement Allemand de Nevers (3 W 207)
Certificat de travail des usines Junkers de Dessau (3 W 207)
Certificat de travail des usines Junkers de Dessau (3 W 207)
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