Jehan, filz de roy de France, duc de Berry et d’Auvergne, conte de Poitou et d’Auvergne, a tous ceuls qui ces lettres verront, salut. Comme pour estre participans es prieres, jeunes et oroisons des religieux de l’ordre de Chartreuse et par la grant devocion que nous avons longuement eue et avons encores a leur ordre, aions donné ausdis religieux de l’eglise Nostre Dame de Vauvert1 lez Paris, dudit ordre de Chartreuse, entre pluseurs autres choses le lieu de Hoiry2 emprés Bourges, ensemble toutes ses appartenances et appendances, ainsi que par nos autres lettres sur ce faictes pourra plus a plein apparoir, et il soit ainsi que pour les vintyesmes3, fouages4, lennages5 et autres aides qui ont eu et ont encores cours en nostre païs de Berry pour nous, ne trouveroient pas qui voulsist demourer oudit hostel, ne faire valoir ledit lieu ceu qu’il est disposé a valoir, se nous ne faisons et ordonnons que ledit hostel et ses appartenances et ceuls qui y vouldroient demourer ou tenir a ferme fussent frans et quictes desdis fouages, lennages et autres aides quelconques qui ont et auront cours pour nous et de par nous en nostredit paÿs, si comme lesdis religieux prieur et couvent dudit lieu de Vauvert nous ont exposé, en suppliant humblement que ainsi le veuillons faire et leur octroier, savoir faisons que nous, qui vouldrions de tout nostre cuer augmenter et accroistre les biens et patrimoine dudit ordre et en especial ceulx que nous leur avons donné, voulons et de nostre propre mouvement et certainne science leur avons octroyé et octroions par la teneur de ces presentes que ledit lieu de Hoiry, ainsi comme il se comporte, et toutes ses appartenances et appendances quelxconques, que donné avons ausdis religieux, et ceulx qui y demeurent, demourront ou tendront a ferme ou temps avenir, soient et demeurent quictes et paisibles durant nostre vie desdiz vintyesmes, fouages, tailles, lennages, charnages6 et autres aides et subvencions quelconques qui par nous et par nostre mandement ont et auront cours en nostredit paÿs de Berry, et avec ce voulons ycelui lieu et sesdictes appartenances estre et demourer duranta ledit temps francz et quictes de toutes prises quelxconques qui se font et feront ou temps avenir tant par nousb fourriers comme par autres, pour les garnisons et provisions de nous et de nostre tres chiere et amee compaigne la duchesse et de noz enfansc, nostre vie durant, comme dit est. Si donnons en mandement a noz senechal et receveur de Berry et a tous nos autres justiciers, officiers et subgez presens et avenir ou a leursd lieuxtenans, et a chascun d’eulx si comme a lui appartendra, que ledit lieu de Hoiry, ses appartenances et appendances et ceulx qui y demeurent, demouront ou tendront a ferme pour le temps avenir, il tiennent et facent tenir quictes et paisibles de toutes tailles, aides, lennages, vintyesmes, charnages et autres subvencions quelxconques, qui ont et auront cours de par nous nostre vie durant en nostredit paÿs de Berry, et de nostre presente grace et octroy les facent, sueffrent et laissent joïr et user paisiblement, selon la teneur de ces lettres, senz les troubler ou empeschier ou souffrir estre troublez ou empeschiés en aucune maniere au contraire ; et se aucune chose estoit faicte au contraire ou aucun empeschement mis oudit lieu ou es biens d’icelui, leur mettent ou facent mettre, ces lettres veuez, a plaine delivrance. En tesmoing de ce, nous avons fait mettre nostre seel a ces presentes lettres. Donné a Wiscestre7, le XIIe jour de juillet, l’an de grace mil trois cens IIIIxx et onze.
(En bas, à gauche :) Par monseigneur le duc, vous present.
(Signé :) Gontier8.
a. Le u de durant semble être corrigé sur un y, gratté. – b. Pour nos. – c. Suit un espace gratté et rayé, sur la longueur d’une quinzaine de lettres. – d. Ce mot semble plus tassé que les autres, peut-être porté sur un grattage.
1. La Chartreuse de Vauvert à Paris était sise derrière l’actuel jardin du Luxembourg, entre la rue d’Enfer (futur Denfert) et le boulevard Saint-Michel ; d’où l’expression « au Diable Vauvert ».
2. Ouzy-sur-Yèvre, Cher, arr. Bourges, cant. Mehun-sur-Yèvre, comm. Saint-Doulchard.
3. Impôt de quotité posant sur les revenus et remontant à la fiscalité seigneuriale et levé dans une certaine routine.
4. Imposition levée sur les feux.
5. On peut hésiter dans la lecture entre « leuvages » et « lennages ». Le premier terme désigne le droit perçu sur la circulation des marchandises à un « barrage », le second une redevance en laine. Un acte du duc de février 1402 (n. st.) (TSC 1538), relatif en partie aux mêmes dispositions et comportant la graphie « lainages », impose de choisir la lecture « lennages ».
6. Taxe sur la boucherie ou la circulation de viande.
7. Aujourd’hui Kremlin-Bicêtre, Val-de-Marne, ch.-l. cant. Jean de Berry y possédait un château, dit à l’origine de Winchester, puis Vicestre (d’après la cité anglaise dont un évêque construisit cette résidence proche de Paris).
8. Il s’agit de Gontier Col, aussi secrétaire du roi, attesté comme secrétaire du duc en 1386 et 1397 (R. Lacour, Le gouvernement de l’apanage…, annexes, p. xv). Il joua un rôle aussi au service du duc de Berry dans ses activités diplomatiques. Par exemple, c’est lui qui fut chargé de tenir le Journal de l’ambassade envoyée en 1395 au nouveau pape d’Avignon, Benoît XIII, et que dirigeait le duc de Berry. À propos de cette ambassade, Françoise Autrand écrit : « Gontier Col est un professionnel, spécialiste de la diplomatie. Il est aussi un écrivain. L’efficacité n’exclut pas la beauté. L’art n’est jamais loin du pouvoir dans l’entourage du duc de Berry » (Fr. Autrand, Jean de Berry, p. 200-202).