Engagement à restituer à la Sainte-Chapelle de Bourges le reliquaire du chef de Saint Jacques, 1412 (8 G 1452 [TSC 816]).
Original sur parchemin, scellé d'un sceau (fragment) de cire rouge sur double queue de parchemin, avec un trou au niveau des lignes 9 et 10. 375 x 255 mm. Bourges, Archives Départementales du Cher, 8 G 1452 [TSC 816].
Dossier préparé par Ekaterina Nosova, sous la direction d'Olivier Guyotjeannin et Olivier Matteoni.
1412, 17 mai. – Bourges.
Jean, fils de roi de France, duc de Berry et d’Auvergne, etc., s’engage, pour lui et ses héritiers, à rendre à la Sainte-Chapelle de Bourges le chef de saint Jacques en argent doré, incrusté de pierre précieuses – ou la somme équivalente –, qu’il lui avait donné naguères par lettres patentes scellées de son grand sceau en lacs de soie et cire verte, et qui a été retiré en sa présence par le trésorier général du duc Macé Héron pour contribuer à des dépenses engagées depuis trois ans.
Commentaire paléographique et diplomatique
L’acte est écrit sur un parchemin de bonne qualité. L’état de conservation est excellent à l’exception d’une seule détérioration (ligne 9-10). La mise en page est équilibrée, avec les marges de la même largeur sauf l’espace à gauche : un peu plus grand, il est réservé à l'initiale qui, bien que modestement ornée, donne un caractère plus solennel à la charte. Les lettres de la première ligne ne sont pas allongées, à la réserve de la lettre A pour annoncer l'adresse universelle, tandis que les autres parties de discours n’ont pas reçu la décoration. La fin de la ligne 11 est remplie de traits de plume afin de garder la même longueur des lignes et de respecter la mise en page réglée, sans laisser de blanc à un éventuel interpolateur. L’écriture est soignée avec les abréviations canoniques (« n(ost)re », « pr(ese)ns », « pr(ese)ntes »).
L’acte, dépourvu d’invocation, commence directement par la suscription. La formule filz de roy de France souligne la filiation à la dynastie royale. L’adresse est universelle, aussi bien que la salutation et la notification. L’exposé est divisé en deux parties par la notification. La partie de la charte consacrée à la description du chef de saint Jacques reprend mot à mot la description du même reliquaire qui est fixée dans l’inventaire dressé par Robinet d’Estampes (1402-1403 : Jules Guiffrey, Inventaires de Jean, duc de Berry, 1401-1416, Paris, 1894, vol. 2, p. 84). La corroboration probatoire (« En tesmoing de ce ») affirme l’appartenance de l’acte au type des lettres patentes scellées sur double queue, de même que l’absence de référence à la valeur perpétuelle de l’acte. Le document s’achève par la date de lieu et de temps. La mention hors teneur qui figure au bas du document, sur le repli à gauche, indique que l’acte a été commandé par le duc lui-même. La grande partie du sceau est abîmée. La base de la silhouette du duc et, à gauche, la base d’un animal sur ses pattes, qui doit correspondre à un ours, permet de déduire qu’il s’agit du troisième grand sceau du duc (M.-A. Nielen, Corpus des sceaux…, t. III, p. 235).
La campagne militaire menée par le roi de France Charles VI contre son oncle Jean de Berry est un épisode de la guerre civile qui oppose Armagnacs et les Bourguignons. Le document est daté du 17 mai 1412, c’est-à-dire un peu avant le siège de Bourges. L’armée royale, alors aux mains des Bourguignons, a quitté Paris le 5 mai et s’ébranle vers le Berry (Fr. Autrand, Jean de Berry. L’art et le pouvoir, Paris, Fayard, 2000, p. 233-235). Ce contexte militaire explique les considérables besoins financiers du duc. D’où le recours aux joyaux de la Sainte-Chapelle.
La charte n’est pas l’acte de saisie, qui a déjà été effectuée, mais elle fixe les garanties de restitution d’un objet précieux, le chef-reliquaire de saint Jacques, richement orné. Le reliquaire n'a pas été commandé spécialement pour la Sainte-Chapelle.Ilavait été exécuté avant 1402-1403, car il figure dans l'inventaire que Robinet d’Estampes a exécuté à cette date (J. Guiffrey, Inventaires de Jean, duc de Berry…, op. cit., vol. 2, p. 84). Il a ensuite été offert à la Sainte-Chapelle entre 1404 et 1407 (J. Guiffrey, ibid., p. 167-186). Il n’est pas mentionné dans l'étude fondamentale d’Alfred de Champeaux et Paul Gauchery, Les Travaux d'art exécutés pour Jean de France, duc de Berry, avec une étude biographique sur les artistes employés par ce prince, Paris, 1894).